8 espèces à préserver : 8 richesses pour le fleuve de nos enfants

Les migrateurs de la Garonne, tous classés à des degrés divers sur la liste rouge UICN, sont porteurs de l’enjeu majeur d’un potentiel de ressources à reconstruire, mais ils sont aussi au cœur d’un questionnement scientifique extrêmement riche. À ce jour, la science n’explique toujours pas le pourquoi des migrations animales et on commence à peine à entrevoir comment les saumons et les aloses reviennent dans leur rivière d’origine pour leur étonnant « homing », ou comment les anguilles réussissent leur périple vers la mer des Sargasses. Nos poissons migrateurs constituent donc à double titre une richesse qui génère une dynamique d’études et de solutions, une culture environnementale spécifique à développer en harmonie avec la Garonne et ses habitants. Le patient travail de restauration sur chacune des huit espèces ouvre des réflexions qui profiteront directement à terme à l’avenir et au patrimoine du bassin. 

L'esturgeon, le plus précieux de nos centenaires

Il y a seulement 60 ans, on pêchait 4 000 esturgeons par an en Garonne et 20 ans plus tard 200 seulement. Aujourd’hui, grâce à notre zone d’estuaire, l’esturgeon d’Europe échappera peut-être à une disparition annoncée. Il peut vivre près de 100 ans, atteindre les 3 mètres, mais il est très vulnérable pendant ses quinze premières années.

En 1995, le succès mondial de sa reproduction en captivité a marqué une étape capitale dans la reconstitution des stocks originels. Plus de 140 000 alevins ont été relâchés depuis 2007. En 2009, 400 esturgeons de deux ans ont été introduits dans l’estuaire. Dans douze ans, quelle Garonne vont-ils trouver à leur retour ? Dès maintenant, il devient urgent de mieux sensibiliser les collectivités à la préservation des habitats notamment par la qualité des eaux et la protection des frayères et des zones de maturation. Tous ces facteurs conjugués pourraient être responsables de la disparition définitive de l’esturgeon ou de sa renaissance dans toutes ses eaux européennes.

 

L'Anguille européenne, grand voyageur en grand danger

Il y a encore peu de temps, l’anguille représentait une ressource économique de plus de 300 millions d’euros uniquement pour notre bassin. Mais, parce que ce poisson né dans la mer des Sargasses vient mystérieusement grandir dans nos rivières d’Europe, tous nos pays côtiers sont concernés par sa préservation alors que les stocks s’effondrent sur la planète. C’est l’exemple même d’une indispensable réponse locale/globale dans laquelle chaque bassin doit maintenant tenir son rôle dans un enjeu mondial.

Plus que tout autre poisson en danger, l’anguille demande la concertation la plus large de tous les acteurs environnementaux régionaux. Pêchée à tous les stades de son développement, sensible à la qualité de l’eau du fleuve autant qu’à l’état des zones humides qu’elle peut investir, vulnérable à tous les obstacles, elle demande des procédés de franchissement spéciaux à la montaison comme à la dévalaison et la suppression d’obstacles souvent mineurs pour les autres espèces. Le repérage des obstacles, a été fait sur 53 affluents du bassin. Les pêches électriques ont permis de marquer plus de 1000 jeunes sur 23 affluents. 
Le domaine de l’anguille est vaste, c’est pourquoi, la protéger demande de mieux l’intégrer à la réflexion de toutes les collectivités sur la répartition de l’eau, le PGE, le classement des zones indispensables à la colonisation, le rétablissement de la libre circulation et sur les dépollutions, notamment celle du PCB.

 

Le saumon, éclaireur du fleuve de l’Océan aux Pyrénées

Grâce aux travaux pour le saumon, on a pu commencer à rétablir le continuum fluvial depuis l’estuaire jusqu’aux sources pour l’ensemble des espèces piscicoles. La construction d’ouvrages de franchissement, passes et ascenseurs à poisson, exutoires de dévalaison a permis d’initier la défragmentation des milieux et de favoriser la reconquête par toutes les espèces de leur aire de répartition d’origine, la diversité génétique et les relations trophiques tout au long du fleuve. Plus que le nombre d’individus repérés qui remontent la Garonne chaque année, c’est cette dimension d’éclaireur du fleuve qui témoigne des succès de la restauration du saumon en Garonne :

  • Mise en place d’opérations de piégeage transport en montaison et dévalaison (limitation des coûts d’équipement, colonisation rapide du haut bassin et développement d’une stratégie biologiquement efficace, reproduction naturelle avérée sur la Pique en 2009) ;
  • Étude par radiopistage pour le contrôle de l’efficacité des dispositifs de franchissement ;
  • Création de stations de suivi par comptage pour l’estimation des stocks qui permet la veille pour l’ensemble des espèces ; - Études de potentialités d’accueil pour le saumon qui ont permis de redécouvrir la subsistance sur le bassin d’une grande quantité d’habitats à forte fonctionnalité ;
  • Choix d’une réintroduction avec une sélection de très jeunes stades pour éviter les pertes d’un apport massif en alevins et favoriser le grossissement dans le milieu naturel plutôt qu’en pisciculture…

Aujourd’hui, alors que l’avenir de l’espèce reste menacé, la communication sur le travail qu’il reste à faire permettra de sensibiliser et de mobiliser les populations riveraines et leurs collectivités au respect des habitats par la répartition de l’eau, le PGE, à la libre circulation et aux nouvelles pratiques environnementales.  

 

La truite de mer, beau migrateur de l’ombre
Cette truite, qui a décidé de croître en mer pour peut-être mieux se reproduire à son retour, est une richesse touristique avérée pour beaucoup de régions dans le monde. Elle est suivie au même titre que les autres migrateurs au niveau des stations de contrôle en Garonne et Dordogne depuis 1993 mais l’évaluation précise de ses stocks reste difficile. 
Le maintien de sa présence dans le bassin, sans réintroduction, confirme la pertinence des investissements réalisés pour le saumon en matière de libre circulation et de préservation des habitats des migrateurs. Une meilleure connaissance de ses besoins et comportements permettrait sans doute de mieux garantir son avenir en Garonne et d’initier un engouement comme dans d’autres sites de pêche dans le monde. Dans tous les cas, c’est le rôle de la communication d’intéresser davantage les publics riverains à cette magnifique espèce qui préfère l’ombre des cours d’eau.

 

L’alose feinte, fine chair des marées

Avec des attitudes migratoires différentes et autant d’arêtes pour une taille plus petite, cette alose, souvent dédiée à la conserve, est aussi une composante majeure de notre patrimoine gastronomique. Les populations sont très difficiles à dénombrer et ne peuvent être évaluées qu’à partir de l’activité observée sur les frayères, souvent aléatoires, couvrant un linéaire très large dans la zone de marée. L’implication des pêcheurs dans le suivi des prises est donc indispensable pour la connaissance et la préservation de cette espèce et doit faire l’objet d’un effort de communication particulier, notamment à travers un action Internet, déjà testée.

 

 

La grande alose, poisson d’argent en alerte rouge

Pêchée en abondance de Bordeaux à Toulouse avec une population estimée de 500 000 individus il y a vingt ans, la grande alose est aujourd’hui en danger et protégée par un moratoire et un plan de sauvetage. Malgré le suivi des populations et de leurs habitats, l’aménagement des barrages et des pratiques de pêche, ce grand migrateur subit en Garonne des effondrements de stocks dont il faut à tout prix comprendre toutes les causes. De plus, grâce aux spécificités géographiques et topologiques du bassin, la Garonne constitue une des meilleures opportunités de conserver les aloses en Europe.

Notre savoir-faire régional sur l’alose se traduit par l’acquisition d’une technique de production pouvant être déclinée à grande échelle. Unique en Europe, cette technique permet la réintroduction de l’espèce dans le Rhin à partir des aloses de Garonne. 
En aval de Garonne, l’alose est indissociable du patrimoine gastronomique et à ce titre représente un important enjeu culturel et économique. La communication doit défendre cet enjeu par la sensibilisation des collectivités et le recrutement des pêcheurs pour le suivi étroit des populations.

 

La lamproie marine, fossile mais indispensable

Notre système estuaro-fluvial est celui qui bénéficie en France du plus fort impact économique et culturel de la pêche des lamproies. En 2000, on estimait le chiffre d’affaires généré par les professionnels à deux millions d’euros. C’est le rétablissement progressif de la libre circulation dans les années 80 qui a permis de tripler les linéaires pour la migration fluviale de cette espèce préhistorique et assez mal connue. Le suivi des populations depuis 1993 montre des stocks en progression. 
Les travaux d’identification des obstacles infranchissables par radiopistage et les études des milieux et de l’impact des aménagements ont permis de mieux pérenniser sa présence en Garonne. Toutefois la préservation de cette espèce mystérieuse appelle d’autres recherches tant que les stocks sont représentatifs. Attirer l’attention des collectivités sur le respect des habitats et favoriser l’intérêt scientifique sur la lamproie est une des missions de promotion de l’Alliance pour les Migrateurs en Garonne.

 

La lamproie fluviatile, victime très discrète
Très pêchée autrefois, et notamment dans notre région, cette espèce propre à l’Europe est en régression constante. Victime des mêmes effets de civilisation que sa sœur marine, elle réclamerait des dispositifs de franchissements d’obstacles spécifiques. On peut penser qu’elle profitera toutefois des autres volets du plan de restauration comme l’amélioration des habitats et des milieux.

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